Les lycéens des quartiers sud de Grenoble ont-ils droit à l’art ?


Lettre ouverte des enseignants du lycée Mounier de Grenoble

 

 Nous venons d’apprendre qu’au lycée Emmanuel Mounier de Grenoble, la spécialité Arts plastiques et l’option Musique seront fermées à la rentrée 2019. Pour information, ces enseignements concernent au total 77 de nos élèves cette année et permettent de valoriser les élèves du secteur dans des disciplines où peuvent exceller même ceux qui ont des difficultés avec la langue écrite et les enseignements plus scolaires. Les enseignants considèrent donc cette décision scandaleuse, à plus d’un titre. 

D’une part elle montre bien que les possibilités de choix de nos lycéens en termes de spécialités vont être appauvries et non élargies, contrairement à l’esprit de la réforme du baccalauréat. De ce fait nos élèves subiront une injustice flagrante, puisque ceux d’autres lycées auront un choix plus large. Si la volonté de mutualisation des spécialités est effective et cohérente, ces spécialités pourraient très bien être ouvertes au lycée Mounier, qui va bénéficier dans quelques mois de locaux neufs et agrandis. En effet, des grands noms de l’art contemporain sont issus de Mounier (par ex. Dominique Gonzalez-Foerster), et ces dernières années des élèves sont entrés aux Arts-Décoratifs, aux Beaux-Arts, à l’Ecole du Louvre, aux Gobelins, ou en écoles de Cinéma…. Ces élèves issus des classes populaires ont pu accéder à ces formations car la spécialité Arts Plastiques y existe et qu’ils ont suivi assidûment l’enseignement de spécialité associé à l’option facultative (soit 7h d’enseignement par semaine). Etant souvent fragilisés socialement, il sera difficile pour les élèves de Mounier d’aller suivre ce seul enseignement dans un autre lycée. Au regard de l’histoire de l’art contemporain, c’est à Mounier qu’il doit être conservé. Symboliquement, c’est une évidence. Les nouveaux locaux du lycée, qui sont en train d’être finalisés sur le site, ont en leur sein 2 futures salles réservées aux arts plastiques. Quel gâchis ce serait de ne pouvoir les faire vivre ! 

D’autre part, cette décision nous inquiète au plus haut point, car nous pensons qu’elle va entraîner une perte de mixité sociale et d’hétérogénéité scolaire, ce qui fait aujourd’hui la force de notre établissement. Voulons-nous que Mounier devienne un lycée ghetto, alors même que sa reconstruction permettrait d’en faire un lycée pilote en termes de mixité et d’ascension sociales et culturelles? Nous demandons donc que le lycée Mounier accueille au minimum, à la rentrée 2019, les spécialités et options arts plastiques, ainsi que l’option musique, dans le respect de nos partenariats de longue date (MC2, Conservatoire) et de l’engagement de l’équipe enseignante dans de nombreux projets artistiques et culturels (comme en témoigne la fresque de Monkey Bird que chacun peut admirer depuis le tram). 

Plus largement, nous pouvons nous interroger sur l’avenir des autres spécialités, dans le contexte d’une réforme qui induit une réduction de l’offre pédagogique pour vos enfants. 

 

Les enseignants du lycée Mounier de Grenoble, le 14/12/2018 

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